lundi 2 décembre 2013
LE CASTING
Il y a quelques jours, mon agent m'a inscrit à un casting, afin que j'y postule comme comédien dans une pièce de théâtre. Je me suis donc présenté devant un jury qui m'a donné les indications sur le rôle envisagé et le déroulement de l'audition.
La scène se passe dans l'une des grandes pièces d'un appartement. Aménagée comme une suite, s'y trouvent : un lit double, des fauteuils, une table basse, des chaises, le tout rehaussé d'un éclairage tamisé.
Le personnage à interpréter doit accueillir des visiteurs avec beaucoup d'amabilité et de remerciements pour les cadeaux qu'ils lui offrent.
Après les derniers conseils de mon agent, je suis donc entré en scène, texte à la main pour ne manquer aucun des dialogues. C'est le jury, trois personnes qui jouent les rôles des visiteurs.
A leur entrée sur le plateau, je me lève prestement et les accueille chaleureusement en les priant de s'installer. D'entrée ils me donnent quelques paquets-cadeaux pour sceller notre amitié.
Je les ouvre avec précaution, les cartons étant bien protégés par différents papiers de couleurs, tous plus décorés les uns que les autres.
Je feins la surprise et les remercie vivement de ces présents, puis les invite à prendre thé ou café, que mon valet de chambre de comédie va leur préparer.
Nous devisons gaiement et échangeons des nouvelles de nos amis communs, tout en trempant quelques spéculos dans nos tasses respectives, le petit doigt toujours levé comme il convient en société.
Satisfait de cette prestation, le jury met fin à l'audition et me propose de nous retrouver le lendemain pour une répétition destinée à confirmer leur impression favorable.
Le lendemain dons, je m'apprête à reprendre la scène quand mon agent me prodigue ses derniers conseils. "Surtout, dit-il, soit agréable, poli, révérencieux, comme tu as interprété le rôle hier. Il faut qu'il s'assurent de ta capacité à mettre la même émotion lors de chaque représentation".
Je m'installe dans le décor mais, dans l'attente de mes visiteurs, je songe à une autre stratégie. Pensant que pour apprécier mes talents d'acteur, il faut que mon interprétation soit différente; je décide à contrario de jouer la scène sur un ton plutôt désagréable. Je vais même jusqu'à bouger les meubles de place, laissant le tout dans un désordre indescriptible.
La deuxième audition débute à l'arrivée de mes visiteurs. Je les accueille froidement, laissant entendre que leur visite à l'improviste me dérange. Je leur propose à peine de s'asseoir, ce qu'ils font néanmoins, en me tendant les paquets-cadeaux fournis par le régisseur. Je feins de trouver leurs emballages de mauvais goût et les pose sur la table sans même les déballer.
Mon agent assis dans la salle est blême de surprise. Il me fait des grands signes voulant me signifier de changer d'attitude. Je n'en poursuis pas moins ma stratégie en ne répondant qu'évasivement aux nouvelles qui me sont données de nos amis censés être communs.
Je remarque la surprise du jury qui, cependant, "joue le jeu" et trouve parfois plaisants mes propos improvisés. Un des membres du jury est même pris d'un fou rire, comprenant pourquoi "je la joue mauvaise" et se met aussi à jouer les visiteurs "pot de colle" et "casse-pieds".
Pour moi, ça semble gagné, j'en suis intérieurement heureux.
La scène terminée, mon agent se précipite pour raccompagner le jury, se confondant en excuses pour essayer de "rattraper le coup". Je les voie tous disparaître ne sachent quelle décision va être prise quant à mon embauche.
Je ne le saurai d'ailleurs jamais, car c'est à ce moment là que je me suis réveillé.
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